Les autres s’étaient réveillés lorsque Néphara et moi avions amené Gesren à l’intérieur de la grotte. Ard s’était occupée de lui, tandis que Daedwyg vérifiait la blessure de Néphara. J’en profitai pour prendre Shabh à part un instant.

- Nous n’avons plus rien à manger, et nous sommes beaucoup plus. Les pièges ne suffiront pas, et…

Je savais qu’il comprenait ce que je voulais dire. Qu’il ne pouvait trop s’éloigner, que les autres étaient trop faibles. Gesren était un géant, mais c’était aussi un inconnu. Moi, je n’étais pas de taille, il me jetterait à terre en un instant, seul Shabh avait l’allure d’un combattant.

- Nous allons fabriquer plus de pièges. Et je ne partirai pas loin, j’ai vu des écureuils et des oiseaux jouer le long de la falaise.

- Shabh, je… je voudrais aider mais…

- Mais tu ne sais pas pour combien de temps tu seras encore ici, n’est-ce pas ?

Cette fois, je fus surpris qu’il lise si facilement en moi. Cela dut se lire dans mes yeux. Il soupira.

- Je ne suis pas idiot, nous le savons tous ici. Si tu dois partir, pars où tu veux, tant que tu reviens vivant. Je m’occuperai d’eux, je te le promets.

- Je reste encore. Mais en effet. Il y a des réponses que je dois chercher. Des choses que je dois faire. Un jour je repartirai. Mais je reviendrai, ça sera ma promesse à moi.

Pour la première fois, je vis un sourire franc et calme s’afficher sur le visage du Racine. Il acquiesça sans rien ajouter. J’annonçais à l’attention de tous :

- Je vais pêcher au Lac !

Kahraman m’accompagna sur le trajet, elle allait chercher de la meilleure glaise, mais elle ne resterait pas avec moi toute la durée de la pèche. Nous étions suffisamment proche du Lac pour que je puisse rentrer seul. Et puis, même si je ne l’appréciais pas, j’avais appris à calmer ma solitude. Parfois il n’y avait guère le choix.

Je devenais plus habile, ou plus silencieux, en tous cas, j’avais déjà dans mon sac plusieurs petits poissons. Pas de quoi faire un repas pour sept, mais c’était déjà ça. Je marchais le long de la rive, prenant garde à ne pas toucher l’eau lorsque je ne pêchais pas. Je ne voulais pas faire fuir mes éventuelles proies, mais surtout, je ne voulais pas déranger ce qui pouvait se trouver là, sous la surface. Dans les abysses. Comme si un telle chose pouvait me détecter de si loin.
L’atmosphère était devenue suffocante, saturée d’humidité soulevée par la chaleur du soleil. Celui-ci pourtant restait invisible derrière une épaisse couche de nuages blanchâtre. Au moins la fraicheur du Lac m’empêchait de trop suer. Au loin, vers la plaine, j’aperçus un groupe de trois silhouettes noires qui me regardaient passer, probablement intéressées par mon isolement. Je les dévisageais un instant et je continuais. Je me soucierai d’eux plus tard. Et puis, ils ne savaient pas nager, cela m’avait déjà sauvé par le passé.

Une silhouette se découpa au loin, un homme large, seul lui aussi. En tous cas je ne distinguais personne d’autre. Je m’approchais avec curiosité, quand peu à peu je réalisais que l’homme m’était familier… Mon visage s’illumina et j’accélérais le pas d’impatience, faisant des signes en sa direction dès que je fus à une distance raisonnable. Je le vis lever un visage interrogateur vers moi et sa bouche se tordit d’un sourire chaleureux. Varl me fit un signe de la main en réponse.

-  -  -

J’avais passé la majorité de l’après-midi à discuter avec le pécheur. Je demandais des nouvelles de tout le monde, et je lui racontais mes aventures. Je parlais de Ka, de l’Être Noir, des Oubliés, et du monstre de Néphara. Nous étions hélas trop loin du Bosquet, et tout le monde y était sans doute occupé, alors je ne m’y aventurais pas. Les autres m’attendaient avec la nourriture.
Lorsque la lumière commença à diminuer, le pécheur me serra dans les bras. Je lui indiquais approximativement l’emplacement de la grotte et je promis de revenir voir tout le monde bientôt. Nous n’avions guère attrapé beaucoup de poissons, mais ce fut toutefois une des après-midis les plus heureuses depuis mon réveil. Il m’avait manqué, lui et les autres.

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J’arrivais à la grotte à la tombée de la nuit, mes quelques prises avec moi. Shabh avait attrapé un oiseau, et les autres avaient cueilli quelques plantes. Voilà qui contenterait tout le monde.

Dé à poissons !: